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à la découverte de nouveaux métiers!
7 décembre 2009

Une auteure est parmi vous

J’ai brièvement été présentée il y a quelques semaines; je suis auteure en résidence aux Petites Mains. Il me semblait important de partager avec vous la nature de ma présence au sein de ce groupe passionnant.

Je suis auteure. Je travaille les mots. Auteure de théâtre. Parce que je crois en la force du rassemblement et à l’intensité de la parole en direct. Je suis metteure en scène. Parce que prendre la parole ce n’est pas qu’écrire : c’est aussi faire vivre les choses. Et je dirige le Festival du Jamais Lu, un événement destiné à la découverte des dramaturges de la relève. Parce que la création a besoin de tribunes pour atteindre les sens des spectateurs. Tout ça, je le fais depuis près de 10 ans. Nul besoin de vous dire combien j’aime mon art, le théâtre.

Seulement, depuis quelque temps, j’entretiens une rancœur à son égard. J’en veux à la   « planète Théâtre » d’avoir oublié de suivre l’évolution de sa société dans sa diversité et sa multiplicité. Nos scènes québécoises sont désespérément blanches, postcatholiques et obnubilées par la redéfinition de l’identité québécoise contemporaine. Et pourtant, dans cette redéfinition de l’identité contemporaine, on oublie un aspect fondamental! Le Québec, et plus particulièrement Montréal, a démographiquement changé. Au théâtre comme ailleurs, il ne devrait plus être possible de se poser la question de l’identité québécoise, sans inclure une dimension cosmopolite à nos réflexions. L’actualité citoyenne devrait se refléter dans les formes artistiques. Pas étonnant que Wajdi Mouawad remporte un tel succès; il est pratiquement le seul dramaturge porteur des thèmes de l’exil, du déracinement et par conséquent la perte de repères culturels. Il est un ambassadeur on ne peut plus contemporain. Je suis d’avis que nous devons reprendre ces questions à notre compte et chercher à créer un nouvel espace artistique : celui qui témoigne des cultures qui nous arrivent, nous changent, nous transforment.

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Mes enfants joueront avec les enfants de ces immigrants. Pour eux, la notion de « québécois de souche » perdra de son importance. Parce que la pluralité l’emportera sur l’origine. Et avec bonheur.

Et pourtant… au théâtre comme ailleurs, la place publique se partage difficilement dans les faits. Oh, les discours y sont! Mais les faits, eux, démontrent notre retard. Ce n’est pas de la mauvaise fois de la part des artistes. Mais un manque d’ouverture et de curiosité, il me semble. Certes, de multiples festivals sont dédiés à la découverte de cultures étrangères – Nuit d’Afrique, Festival du Monde arabe, etc.. Nous accueillons également beaucoup d’artistes étrangers sur nos scènes. Mais la vision touristique d’une culture a de rassurant qu’elle ne demande pas un véritable effort d’intégration!

C’est donc habitée de ce sentiment de désolation envers l’insuffisance du milieu théâtral que j’ai imaginé un projet de médiation culturelle qui me mettrait en contact avec des femmes immigrantes, scolarisées, en processus d’intégration. Je suis donc arrivée à Petites Mains. C’est un organisme formidable. À son origine, il y a une femme libanaise, Madame Aboumansour, armée de quelques machines à coudre et de nombreuses ambitions. Voilà qu’un peu plus de quinze ans sont passés et Petites Mains est devenu un réel centre d’intégration regroupant une entreprise de couture, un restaurant, des classes de francisation et d’intégration et un ce nouveau programme, À la découverte de nouveaux métiers.

C’est à la première cohorte de ce projet pilote que j’ai le plaisir de me greffer. Mon rôle d’auteure consiste à écouter les participantes, à les faire parler – dans la mesure de leur plaisir à se livrer – à suivre leur formation au travail, et à leur offrir des ateliers d’écriture et de création visant à développer leur connaissance d’elles-mêmes et leur maîtrise du français.

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J’apprends certainement autant qu’elles. J’apprends à voir ma propre société au travers leurs yeux de nouvelles arrivantes. J’apprends les forces de notre sociale démocratie, et les affres de notre bureaucratie. J’apprends les contradictions désespérantes du ministère de l’Immigration, qui motive les troupes à venir s’installer ici, mais qui ne valorise en rien les compétences acquises à l’étranger sur le territoire canadien. J’apprends sur la nature humaine, ses réflexes et ses défenses.

Au terme de mon immersion à Petites Mains, je créerai une œuvre théâtrale mosaïque, entre le documentaire et la fiction. Je tenterai de donner la parole à ces voix noyées dans le bruit de la ville. Je tenterai de rendre justice à ces destins humains. J’utiliserai pour ce faire les résultats de nos ateliers d’écriture, les informations et statistiques reçues pendant la formation et complétées par mes recherches, et bien sûr mes propres réflexions plus éditoriales.

Une première lecture publique de ce travail sera présentée à la mi-avril à la Maison de la Culture Villeray – Parc-Extension – Saint-Michel. Puis une deuxième présentation se tiendra lors du 9e Festival du Jamais Lu, au début mai. Bien sûr, nous vous tiendrons informé et espérons vous voir à l’une ou l’autre de ces présentations publiques.

D’ici là, je nourrirai certainement ce blogue de quelques textes tirés de l’œuvre en construction. N’hésitez pas à y réagir, à me donner vos impressions, vos témoignages, vos réflexions. La création est une chose vivante qui se nourrit de sa collectivité.

Marcelle Dubois

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